Actu : Les écueils de la maternité pour les sportives de haut niveau

Les écueils de la maternité pour les sportives de haut niveau

C’est lors de l’entretien auquel on les avait conviées, lundi aux Etoiles du sport, que Sarah Ourahmoune a appris qu’Estelle Mossely reprenait le chemin du ring, délaissé depuis les Jeux olympiques 2016 : “Je connais son tempérament, ça ne m’étonne pas. Encore moins qu’elle s’aventure chez les pros. Quand tu viens d’être maman, réintégrer l’équipe de France, repartir sur des stages en Bulgarie ou en Roumanie, c’est l’horreur.” L’intéressée, qui depuis août a un petit Ali à la maison, en plus de Tony Yoka, appuie : “D’ailleurs, je ne sais pas comment toi, Sarah, tu as fait. Moi, ce fonctionnement m’aurait découragée.” Dans une carrière de sportive de haut niveau, courte par nature, l’intermède bébé n’est pas qu’une décision délicate. Elle charrie encore un tas de questions une fois qu’elle a été prise.

Je me demandais si j’étais une bonne mère

De fait, Ourahmoune a “pleuré plusieurs fois” en songeant à sa fille Ayna, née fin 2013, alors qu’elle échafaudait, loin du cocon, un rêve olympique devant la mener jusqu’à Rio. La peur de rater des fragments importants. Les premiers mots, les premiers pas. Des instants de doute, aussi, quand elle emmenait sa petiote à l’entraînement : “Je me demandais si c’était opportun, si j’étais une bonne mère.” Mais la chance, surtout, que le papa “se sacrifie pendant deux ans” en mettant un frein à sa propre carrière de boxeur. “Et ça, dans mon cas, c’est impossible”, s’amuse Mossely, allusion au destin enluminé de son homme.

Estelle Mossely a évoqué le sujet de la pause de carrière avec Brigitte Macron

La pause de carrière : voilà un sujet qui lui tient à cœur. C’est même un des pôles principaux de l’Observatoire européen du sport féminin qu’elle a mis sur les rails. La championne olympique en a déjà touché un mot à Brigitte Macron et approfondira le thème d’ici peu avec la ministre des Sports Laura Flessel, qui elle-même avait entrecoupé sa vie d’escrimeuse d’une expérience maternité. La priorité? Un accompagnement digne de ce nom pendant la grossesse comme après. Sur le plan médical, psychologique comme financier. “Pour les fédérations, bien souvent, un bébé égale fin de carrière, pose Mossely. Or, une fille qui a performé peut le refaire, mais pas dans n’importe quelles conditions. Sarah est un exemple de réussite, mais je sais qu’elle le doit beaucoup à elle-même.”

Ourahmoune rembobine : “Il n’y avait rien de prévu, pas de dispositif adapté. Et ce n’est pas propre à la fédé de boxe. Quand on était en stage à l’Insep, j’ai demandé plusieurs fois à intégrer ma fille à la crèche le temps des séances. On me répondait qu’il fallait être interne ou salariée. Et puis c’était seulement à partir de 18 mois. S’il avait fallu attendre qu’elle ait cet âge pour revenir… En fait, mon seul soutien est venu de la gynéco de l’Insep, qui m’a suivie puis conseillée sur le programme de reprise.” Celle qui allait devenir vice-championne olympique dit même avoir fini par se sentir plus forte, avec une capacité aérobie supérieure. Mais à force de patience. “J’ai passé les trois premiers mois à faire des footings ridicules, à voir des vieux me dépasser”, souffle-t-elle.

On n’a plus d’abdos et les kilos en trop, il faut les porter!

Estelle Mossely, 25 ans, en est peu ou prou à ce stade. Elle a remis une fois les gants en Californie, où la petite famille est désormais installée, voilà un mois et demi. Une première depuis sa finale de Rio, quinze mois plus tôt. “Les gestes sont encore là, mais c’est vrai que c’est dur. Le corps a changé, on n’a plus d’abdos et les kilos en trop, il faut les porter! Moi, j’en avais pris huit. Et il y a surtout une masse musculaire à retrouver. C’est une forme de rééducation, avec une interaction à construire entre médecin, diététicien et gynéco.” Pour mener son projet à bien, elle ne compte pas sur la fédération française “avec qui les ponts sont coupés”, mais s’inspire de l’approche de Tony Yoka. Avec une nouvelle structure et des moyens supplémentaires, le tout corrélé à un calendrier moins aléatoire qu’en amateur. Donc plus propice à entourer un enfant en bas âge.

Désormais retirée, Sarah Ourahmoune, 35 ans, attend son deuxième pour début mai. En début d’année, elle a pris la parole à Harvard dans le cadre d’une conférence sur la place de la femme dans le sport. L’activité sportive fait toujours partie de son quotidien, elle qui se rappelle avoir fait du vélo jusqu’à la veille de son accouchement : “Il y a des choses qu’on nous déconseille mais aussi le ressenti. Je continue, par exemple, de courir 10 ou 20 kilomètres car je me sens en mesure de le faire. Notre passé de sportive entre en ligne de compte.” D’autant plus que les médecins ne tiendraient pas tous le même discours. “Le mien m’avait demandé de ne pas courir, indique Mossely. Alors j’ai juste fait un peu de piscine. Et puis le papa a aussi une grande influence. L’an passé, je voulais faire du ski aux Etoiles du sport mais Tony s’y est opposé. Le besoin de bouger s’est tellement fait sentir qu’en sortant de la clinique, j’avais en tête de repartir au footing la semaine suivante. On m’a dit : “Pardon? Ce sera plutôt d’ici trois mois, si tout va bien.”” Tout va donc bien. Et tout recommence. 

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