Actu : Johnny Hallyday en quatre anecdotes, par Michel Drucker

Johnny Hallyday en quatre anecdotes, par Michel Drucker

Le cœur lourd, Michel Drucker a partagé son émotion avec les proches de Johnny Hallyday samedi à l’église de la Madeleine. Aujourd’hui, il préfère évoquer son ami, un homme drôle, bourré d’humour.

Il devait avoir 23 ans et moi 24 quand nous nous sommes rencontrés. C’était dans l’émission «Tilt». Notre amitié de cinquante ans était pleine d’humour.

Le look Drucker

Il y a quelques années, avant une émission, il me dit : «Ce soir, ça va être un grand jour pour toi, tu vas enlever ta cravate !». Après m’être exécuté, il ajoute : «Tu vois, on se sent mieux, non ? Maintenant, faut s’attaquer à ta veste et à ton pantalon, parce que tu fais notaire de province !». Ce n’était pas la première réflexion que faisait Johnny sur mon look. Lui avait changé mille fois de styles au gré des modes, tout en restant élégant. Mes petits costumes lui semblaient bien ternes.

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La Lorada…

En 1989, «La Lorada», la villa qu’il s’est fait construire sur les hauteurs de Ramatuelle, était terminée. Il me dit : «Je veux que tu sois le premier à la visiter». Nous avions donc organisé un tournage pour France 2 sur le chanteur. À notre arrivée à Saint-Tropez, le gardien nous dit : «Monsieur Hallyday dort». 

Je vais réveiller Johnny. Insomniaque, il se couche toujours très tard. Cela lui vient d’une inquiétude provoquée par son enfance ballotée et solitaire. Je lui dis : «Tu sais que l’on tourne tout à l’heure !». Il n’a pas encore émergé de son sommeil. Je l’informe qu’une jeune fille l’attend au salon. «Connais pas… Décris-là moi… Je vois pas», rétorque-t-il. 

Pendant les trois jours où je suis resté dans la villa, la jeune fille a dormi dans la chambre d’amis, je n’ai pas entendu le son de sa voix, sauf pour dire, avec l’accent du sud : «Je reprendrais bien un coca». Premier jour de tournage du portrait pour France 2, Johnny pas très en forme, propose que l’on remette cela au lendemain. «Ok, mais ce soir, tu te couches tôt», lui dis-je. Le soir, vers 23 heures, nous sommes tous au lit, je m’endors. Lui, se relève et rentre quand le jour se lève. Vers 15 heures, il se sent enfin bien, nous faisons une émission formidable. Du grand Johnny ! Le tournage bouclé, il refuse que je le quitte : «Reste à dîner, France Gall va se joindre à nous». J’accepte.

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Pendant le dîner, on sonne à la porte. Un concessionnaire Harley Davidson de Carpentras fabriquant des bijoux, dit qu’il avait rendez-vous avec Johnny. Mon hôte veut absolument nous offrir des créations de ce Monsieur, des ornements de bikers qui ne vont pas à tout le monde. Il ajoute : «Comme tu pars tôt demain, je veux t’offrir quelque chose». Il me dirige vers le garage et me tend les clefs d’une somptueuse Harley Davidson, faite sur mesure pour lui aux Etats-Unis. «Tiens, elle est à toi», me dit-il. J’explique qu’avec mes petits costumes et ma cravate, ce n’est pas mon genre. «Ça va t’emmener une autre clientèle» m’explique-t-il, convaincu. Face à mon refus, il ajoute : «Tu veux une Porsche ?». Ça c’était Johnny, une générosité sans limite. 

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Les yaourts…

Un jour, je suis invité à déjeuner à Marnes-la-Coquette. Nous sommes en petit comité, il n’y a que Laeticia et sa mère. Johnny est plutôt un taiseux et laisse souvent s’installer de longs silences. Un enfer, moi qui suis si bavard. À la fin du repas, pour relancer la conversation, je dis : «Ils sont bons tes yaourts». Là, je vois son œil s’animer. Johnny me parle de ses laitages pendant quinze minutes : «Je les fais venir spécialement de Suisse, il y en a des bios, des natures, des aux fruits…».

En me raccompagnant à ma voiture, il me dit : «J’ai fais mettre une caisse de yaourts dans ta voiture pour Dany». Dany est ma femme. Ils se connaissent depuis qu’ils ont tourné ensemble dans «Les Parisiennes» (en 1962). Deux mois plus tard, à l’occasion de la sortie de son nouvel album, j’organise un «Vivement dimanche». Au moment de l’enregistrement, il s’arrête, se retourne vers moi très en colère : «Arrête tout et viens avec moi dans la loge». Je prétends qu’il y a un incident technique, je téléphone et on coupe l’enregistrement. On s’enferme dans la loge et là, il me dit : «Tu sais que je t’aime beaucoup, alors je t’ai apporté une caisse de yaourts». Il éclate de rire.

Cela a duré des mois. Un jour, il arrive au pavillon Gabriel, vers 11 heures du matin. Impossible pour lui d’être levé si tôt. Serait-ce un sosie ? Johnny m’explique qu’il passait dans le quartier et qu’il avait songé à m’apporter ses fameux yaourts. Le roi du gag ! 

Le vélo de course…

Un jour, Johnny me dit en me fixant : «Tu sais que tu n’es encore pas mal pour ton âge, comment fais-tu ?». «Je bois de l’eau, je me couche tôt, j’ai une vie régulière, je fais un peu de sport mais surtout du vélo», avais-je répondu. Et là, comme un enfant, il dit : «Tu ne veux pas m’apprendre à faire de la bicyclette». Il parle évidemment du cycle d’endurance que je pratique. Je lui achète donc un très beau vélo en carbone, et nous prenons rendez-vous pour dans un mois.

Le jour dit, je sonne en tenue de cycliste, blouson jaune vif, collants noirs aux jambes et lunettes sur la tête. Johnny émerge, il n’a encore pas beaucoup dormi. Il me regarde des pieds à la tête et dit : «Tu t’es vu ce matin ? Ta femme t’a laissée sortir avec cela ? T’as l’air d’un bourdon avec les jambes des Frères Jacques. Avec ton blouson bouton d’or, on dirait Baygon jaune [publicité des années 80, ndlr]». Pour notre première journée, j’avais prévu une tenue pour Johnny, la même que la mienne mais en vert. Quand, il l’a vue, il s’est écrié : «Baygon jaune et Baygon vert, tu imagines si on croise un de mes fans, je ne vendrai plus jamais un disque». Le vélo est resté à Marnes, et quand je lui demandais pourquoi il n’en faisait pas un peu, il répondait : «La selle est trop dure !».

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