Actu : “Hélène est un être exceptionnel et entier”

“Hélène est un être exceptionnel et entier”

Sa famille descend des croisés et dans « dix pour cent » Thibault de Montalembert jouait le méchant, mais les spectateurs ont adopté ce bourgeois tendre.

Difficile de changer de peau. Cet homme si discret et raffiné a mis longtemps à accepter d’être pris pour l’odieux Mathias Barneville, le directeur d’agence arrogant, infidèle, de la série « Dix pour cent » : « A la diffusion des premiers épisodes, mes partenaires m’appelaient pour me dire : “C’est génial, on ne cesse de m’arrêter dans la rue pour me féliciter.” Pour moi, il ne se passait strictement rien. Pas un sourire, pas un compliment. La saison 2 arrive… même indifférence. Là, je commence à flipper. Je me dis : “Les gens ne m’aiment pas. Peut-être que je ne suis pas bon.” Et puis, soudain, au troisième épisode, lorsque la carapace de Mathias commence à craquer, on se rue sur moi au marché : “Jusqu’ici, vous étiez odieux et nous n’avions aucune envie de vous saluer… mais maintenant, on vous aime bien.”» Il en rit encore.

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Thibault de Montalembert. Un nom qui claque comme un étendard. Issu d’une des plus vieilles familles de France dont les origines remontent aux croisades et qui a donné au pays nombre de militaires et d’hommes politiques. Parmi eux : Charles (1810-1870), historien, pair de France et journaliste, élu en 1851 au fauteuil 21 à l’Académie française. Une histoire un peu écrasante quand on prétend inscrire son nom en haut d’une affiche.

Thibault est le petit dernier d’une famille de sept enfants, il voit le jour en Mayenne. Education bourgeoise, comme il se doit. Chez lui, on se vouvoie. Aristo par son père, artiste par sa mère qui tient de ses origines irlandaises une certaine fantaisie. Et une voix qu’elle destinait à l’Opéra. Le grand-père maternel fait d’ailleurs du théâtre amateur. Pour le plaisir, il passe aussi à la barbe des gardes-côtes, en Bretagne, du whisky et des cigarettes d’Irlande. Un original dont l’acteur est certain d’avoir hérité la fibre artistique.

Dans la vie, il nous a confié que c’est lui qui s’appuyait sur elle. © Kasia Wandycz / Paris Match

Thibault est petit quand ses parents arrivent à Paris. On s’installe – évidemment – à Neuilly. A 9 ans, la campagne lui manque et l’école l’ennuie. La discipline, surtout, lui semble un peu trop rigide. Chez lui, l’envie est permanente de faire éclater les cadres. Il a déjà la certitude de devenir acteur et demande à rentrer dans une sorte de troupe : à 14 ans, une pension en Vendée où il restera quatre années, à ne voir ses parents que trois fois par an, ce qui ne le dérange pas. « Ma famille ne me manquait pas. Elle constituait une entité suffisamment forte pour exister même dans l’abstraction. » Par chance le directeur est lui aussi un passionné de théâtre qui fait sauter des cours pour les consacrer à la comédie. Sitôt le bac en poche, Thibault réussit à intégrer la Classe libre du Cours Florent où son professeur est Francis Huster. Trois ans plus tard, il fait partie des 2 500 candidats, venus de toute l’Europe, à se présenter aux Amandiers, à Nanterre, et des 19 qui seront reçus dans cette école prestigieuse dirigée par Patrice Chéreau. Parmi eux des futures pointures qui s’appellent Agnès Jaoui, Marianne Denicourt, Valéria Bruni Tedeschi ou Laurent Grévill. « On était comme des princes. On participait aux pièces créées au théâtre des Amandiers. On côtoyait Koltès, Michel Piccoli, Luc Bondy et beaucoup d’autres. » Depuis, Thibault de Montalembert n’a jamais cessé de travailler. On le retrouve chez Doillon, Desplechin puis à la Comédie-Française, même s’il garde ses distances : « J’adore les familles mais je finis toujours par partir au bout d’un certain temps parce que j’y étouffe. Autant dans le métier que dans ma vie privée. J’ai longtemps eu peur de l’enfermement. Ça m’angoissait. »

“Tourner pour le cinéma m’amuse et me passionne mais le théâtre reste la grande aventure artistique de ma vie”

Dans sa vie depuis treize ans, la comédienne Hélène Babu, fille de Geneviève Casile, célèbre sociétaire honoraire de la Comédie Française. Le couple s’est marié il y a trois ans. « Hélène et moi nous avons été unis par Planchon pour les besoins de “Célébration”, la dernière pièce écrite par Pinter. C’était au théâtre du Rond-Point. Et moi qui m’étais juré de ne jamais partager ma vie avec une actrice, nous ne nous sommes plus quittés ! Hélène est un être exceptionnel et entier, s’étonne-t-il encore. Elle est complètement sincère et ne supporte pas ce qui est dissimulé, à quelque niveau que ce soit. Du coup, elle oblige à parler et à clarifier. C’est à la fois ma complice, mon amie, ma femme. De toute ma vie, je n’ai jamais eu d’histoire aussi longue. Il a fallu que j’aie 55 ans pour comprendre que la durée est le sel de l’amour, qui rend l’histoire plus profonde et passionnante. J’ai les mêmes papillons dans le ventre, quand je la regarde, qu’il y a treize ans. Je peux me reposer sur elle, elle est toujours d’excellent conseil. Même si elle sait aussi être un vrai clown. C’est une merveilleuse actrice, aussi à l’aise dans Duras que dans Feydeau. »

Le goût de la comédie… Avec Hélène, Thibault a fondé une compagnie de théâtre, Célébration 43, en Bourgogne où ils ont une maison. © Kasia Wandycz / Paris Match

Ils ne partagent pas seulement leur vie, mais aussi leur passion, et ont créé, près de leur maison de la Bourgogne forestière, « au pied du Morvan, une compagnie qui joue des petits spectacles en extérieur, toujours en s’appuyant sur des décors naturels. Tourner pour le cinéma m’amuse et me passionne mais le théâtre reste la grande aventure artistique de ma vie. Je considère que jouer est avant tout un instrument de connaissance de soi et du monde ». Dans ce domaine, son explorateur préféré, il n’est pourtant pas allé le chercher très loin. C’est Hughes, son frère de dix-neuf ans son aîné. « Un personnage à la Henry de Monfreid ou à la Kessel. Il a arpenté le monde dans tous les sens. Malheureusement, en 1978, à New York, il a été victime d’une agression et est devenu aveugle. Un drame pour lui, qui était peintre. Mais grâce à son incroyable énergie, il a su rebondir. Aujourd’hui il est écrivain. »

Thibault ne regrette rien, et surtout pas d’avoir connu le succès si tardivement. « Après trente ans de métier, c’est un aboutissement, une reconnaissance, cela vaut mieux qu’un succès qui vous tombe dessus à 25 ans. Dès le départ, je savais que je ne deviendrais pas une star. Certains de mes camarades le souhaitaient, moi non. Et puis un acteur qui s’appelle Dupont est une page blanche sur laquelle un réalisateur peut écrire ce qu’il souhaite. Moi, on m’a toujours donné à jouer les grands bourgeois, jamais les mauvais garçons. Entre mes origines nobles, mon passage chez Chéreau et la Comédie-Française, inutile de vous dire qu’on ne pensait pas à moi pour des rôles populaires. » Bref, rien ne prédisposait cet homme tout de courtoisie, qui nous reçoit dans un élégant bar d’hôtel à son image, vêtu d’un de ces costumes de lin à la nonchalance très étudiée, à devenir populaire en jouant, pour Klapisch et Besnehard à la télévision, les mal élevés. Sauf que la greffe a pris mieux qu’on ne pouvait s’y attendre… En témoigne Névil, son fils de 22 ans. « Sa mère est monteuse et il a toujours baigné dans le cinéma. Depuis l’âge de 13 ans, il veut être producteur. » Mais Névil a légèrement changé de voie. Au moment où étaient diffusés les premiers épisodes de « Dix pour cent », il y a deux ans, il faisait ses classes comme assistant de l’agent artistique de son père, chez Adequat. Qui a dit que les Montalembert n’avaient rien à voir avec les Barneville ? 

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